Des informations persistantes font état de ce
que l’Assemblée nationale issue des élections législatives unilatérales du 20
décembre 2018 s’apprêterait à adopter des réformes au cours de la session
qu’elle a ouvert le mardi 02 avril 2019.
Nul ne peut s’opposer à la nécessité de réaliser des réformes pour faire
avancer la vie politique togolaise qui s’est sclérosée par l’inadaptation des
textes et des institutions à l’évolution du pays. Cette nécessité de réformer
la vie politique a été consacrée dès 2006 par l’Accord Politique Global (APG),
qui a énoncé le modus opérandi pour y arriver. Les calculs politiques n’ont pas
permis d’opérer ces réformes, qui ont été, pendant plus d’une décennie, les
revendications principales exprimées à maintes occasions et à divers endroits
par les populations. La volonté de conservation du pouvoir du parti RPT-UNIR et
de son président a empêché ou renvoyé aux calendes grecques les réformes
politiques et électorales tant souhaitées au Togo.
La question des réformes a révélé le vrai
visage de Faure Gnassingbé et son dessein de marcher dans les pas de son père
Gnassingbé Eyadema. Ce dernier a ordonné la révision constitutionnelle
unilatérale de la sainte Sylvestre 2002, qui a introduit le malheur dans la vie
politique togolaise. La Constitution de 1992, votée par toutes les forces vives
du pays, a été modifiée par des députés d’une seule couleur politique, qui se
sont permis de sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels, de
changer le mode de scrutin, les prérogatives du Premier ministre et bien
d’autres dispositions pertinentes. Cette révision a dénaturé la constitution et
l’a orientée vers la consolidation du pouvoir du parti RPT-UNIR. Gnassingbé
Eyadema s'en est servi pour se représenter à l’élection présidentielle de 2003,
alors que la constitution originelle ne l’y autorisait pas ; et il a
réussi, avec le soutien de l’armée et par l’accaparement des moyens d’Etat, a
exercé le pouvoir à vie.
Héritier
du pouvoir en 2005 dans des conditions chaotiques, sans avoir jamais fait de
combat politique, Faure Gnassingbé s’est bien vite accommodé des perversions
introduites dans la loi fondamentale par son géniteur. Il a refusé pendant près
de 15 ans de corriger les bourdes de son feu père-chef d’Etat, qui aurait
consisté à remettre la constitution de 1992 à l’endroit. Ceux qui ont cru dans
la formule « Lui c’est lui moi c’est moi », qu’il a prononcée à l’entame de son
règne en 2005, ont dû se raviser pour épouser l’évidence que le fils n’est pas
différent du père. Les soutiens de l’actuel chef de l’Etat n’ont pas
d’arguments sérieux pour justifier le refus de faire les réformes que de dire
qu’il a hérité de la constitution actuelle, qu’il n’est pas l’auteur de sa
révision, ou que ce sont les opposants qui bloquent les réformes. Nul ne peut
nier que certains partis de l’opposition
qui ont siégé au parlement pendant les deux dernières législatures ont des responsabilités dans la non mise en œuvre
des réformes, d’autant qu’ils ont refusé des
propositions pertinentes, venant de partis politiques ou de la société
civile, qui auraient permis de créer les conditions de la réalisation des
réformes. Dans tous les cas, le parti RPT-UNIR n’a jamais voulu des réformes
qui remettraient la constitution de 1992 dans son état originel. En effet, tout
le problème des réformes au Togo réside dans la préconisation de l’article 59
de la constitution originelle : « Le président de la République est élu
pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois, en aucun cas, nul ne
peut faire plus de deux mandat. » Le régime RPT-UNIR est favorable aux réformes
qui se sépareraient de la mention « en
aucun cas nul ne peut faire plus de deux mandats. » L’idée est de permettre à
Faure Gnassingbé d’être candidat à l’élection présidentielle de 2020 et de
rempiler autant de fois qu’il en aura la volonté et la force. Et comme le parti
au pouvoir a la maîtrise de l’appareil électoral, il peut gagner sans problème
les élections, à travers la fraude et la corruption des agents électoraux. Par
ailleurs, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours présente une gêne pour
le parti RPT-UNIR qui sait que dans ce mode de scrutin, les candidats de
l’opposition vont jouer les ralliements au second tour pour lui ôter tout alibi
de dire que son candidat a gagné.
Non aux
réformes taillées sur mesure pour Faure Gnassingbé
L’avènement
d’une assemblée nationale dans laquelle le parti au pouvoir n’a pas
d’opposants, en dehors des autoproclamés, inaugure une ère favorable aux
réformes politiques, de l'avis de certains. L’absence de partis politiques de
l’opposition, au vrai sens du terme, au parlement, donne le quorum requis au
parti RPT-UNIR pour faire les réformes. Dans ce sens, il convient de rappeler à
ceux qui se réjouissent à l’idée que les réformes vont être désormais faites,
que des réformes qui consolideraient le règne de Faure Gnassingbé ne seraient
acceptées, ni par les forces démocratiques ni par les populations. Il ne
servirait à rien de réaliser des réformes qui ne s’inscriraient pas dans les
aspirations exprimées par les populations.
Pour
les forces démocratiques et les populations qui les soutiennent, il n’est pas
question que les réformes autorisent Faure Gnassingbé à se représenter à
l’élection présidentielle de 2020. Il a exercé trois mandants à la tête de
l’Etat et devrait renoncer à une prochaine candidature pour se conformer à la
norme instaurée dans la sous-région ouest-africaine par le protocole
additionnel de la CEDEAO. Tout le charabia juridique de la non rétroactivité de
la loi ne passera pas ; il n’y aura pas un quatrième mandat pour Faure
Gnassingbé.
Le
mode de scrutin à deux tours doit être adopté sans aucune ratiocination qui
consisterait à empêcher les opposants d’être candidats par une majoration
excessive du cautionnement à l’élection présidentielle de 2020. La constitution
originelle a prévu le cautionnement à 10 millions de francs CFA ; la
révision de 2002 l’a porté à 20
millions. A ce jour, tout le monde pense que ce montant est raisonnable eu
égard au niveau de vie des populations. Par ailleurs, Il ne faut pas
méconnaître qu’au Togo il n’y a jamais eu d’alternance et que les richesses
sont concentrées dans un seul camp. Ceux qui sont au pouvoir depuis des lustres
ont amassé des fortunes à travers l’accaparement des ressources de l’Etat et
restent les seuls poches de richesse dans le pays. Il serait injuste et
injustifié qu’on augmentât le cautionnement de la candidature à l’élection
présidentielle de 2020. La plupart des pays de la sous-région ont fixé leur
cautionnement à des montants raisonnables : 25 millions pour le Mali, le
Burkina-Faso et le Niger. 20 millions pour la Côte d’ivoire qui est pourtant le
pays francophone le plus riche de l’UEMOA. Le Sénégal et le Benin sont les
mauvais exemples que le Togo ne doit pas imiter. Toutefois, ces pays ont connu
des alternances et possèdent des commerçants et hommes d’affaires prospères qui
n’auraient jamais existé au Togo où toute fortune hors du parti RPT-UNIR subit
les affres du régime.
Les
informations selon lesquelles le régime veut envoyer un projet de loi à
l’Assemblée nationale pour porter le cautionnement à l’élection présidentielle
de 2020 à 120 millions seraient une grave erreur si elles se confirmaient. Un
tel projet serait une volonté manifeste d’empêcher les opposants de se porter
candidat à l’élection présidentielle de 2020. Il serait perçu comme un casus
belli et ne contribuerait pas à maintenir un climat d’apaisement dans le pays.
Les
réformes constitutionnelles et institutionnelles attendues par les populations
sont celles qui seraient conformes à la constitution de 1992 dans son esprit.
Ceux qui voudront faire ces réformes ont plusieurs sources d’inspiration. Il y
a tous les travaux inachevés de propositions sur les réformes et le texte de
l’expert constitutionnel qui a été commis par la CEDEAO ; de même que les
revendications qui ont sous-tendues les mouvements populaires lancés sur les
dernières périodes par les forces démocratiques.
L’installation
d’une assemblée nationale contrôlée dans sa quasi-totalité par le régime ne
peut constituer un blanc-seing pour la réalisation de réformes qui contrastent
avec les aspirations des forces démocratiques et des populations. Elle ne doit
surtout pas donner la liberté au parti RPT-UNIR d’ouvrir le boulevard à Faure Gnassingbé
pour une nouvelle candidature en 2020. Seules des réformes justes, impartiales
et tournées vers la construction de la démocratie seront un gage de paix et de
cohésion pour notre pays.
Tl/01/04/19
Fulbert ATTISSO
Scoopinfotg@gmail.com
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