Le 5 mai 1992 à Soudou, Marc Messan Atidépé était
assassiné ainsi que plusieurs patriotes togolais dans un odieux attentat perpétré
par le régime Eyadema. Gilchrist OLYMPIO, grièvement blessé, n’a dû sa survie
qu’à son évacuation sanitaire rapide sur Paris dans un Grumman spécial de la
présidence ivoirienne, après avoir été opéré une première fois à Natitingou
(Bénin). A ce jour, les auteurs de ces crimes n’ont toujours pas été inquiétés.
Nous vous proposons les faits tels que racontés par l’historien Godwin Tété.
Bitchabé, Bandjéli, Kabou. Trois villes où
Gilchrist Olympio tient trois meetings successifs le 3 mai 1992. La délégation
de l’UFC aura des difficultés énormes pour tenir meeting dans certaines de ces
localités.
Déjà à Bitchabé, des militants du RPT ont essayé
d’entraver la tenue de la rencontre d’Olympio avec les habitants des lieux.
Puis, M. Olympio apprend que le meeting de Bassar est interdit par les
autorités de la préfecture, à cause de la visite du Premier ministre le
lendemain. Serait-ce un coup monté du bureau du Premier ministre ?
« En clair, Koffigoh a calqué sa tournée dans le temps et sur le terrain
pour contrer l’influence de Gilchrist. », raconte des années plus tard, le
Dr Ihou.
M. Olympio se rend sur les lieux du meeting à
Bassar, pour informer ses militants de sa décision de respecter l’interdiction
préfectorale. L’atmosphère sur place est tendue.
Après le départ de Gilchrist Olympio et de sa
délégation, une fusillade éclate. On compte un mort et quatre blessés. Ce jour,
avant les événements, des témoins auraient remarqué la présence d’un véhicule à
bord duquel circulait le capitaine Ernest Gnassingbé, fils d’Eyadéma.
Ce même après-midi, le convoi de l’UFC de retour de Bassar, a échappé à une tentative d’attentat. Des militaires armés se seraient positionnés dans une teckeraie. Cette opération a avorté. Pour les militaires, ce n’est que partie remise.
Le lundi 4 mai, Gilchrist Olympio et ses compagnons
passent la nuit à l’Hôtel Kédia à Sokodé. Le Premier ministre Koffigoh avec une
partie de son cabinet se trouvait aussi dans la ville, mais à l’Hôtel Central.
Le mardi 5 mai, il pleut sur la ville de Sokodé et
dans toute la région. Ce qui perturbe quelque peu le programme des meetings.
Mais en fin de matinée le convoi des véhicules de l’UFC s’ébranle de Sokodé en
direction de Bafilo. Le convoi est précédé de quelques minutes par un véhicule
de sécurité avec à son bord deux hommes. Au total, sept véhicules, qui
tomberont dans une embuscade entre Bafilo et Soudou.
Sur la route vers 12 heures, le convoi est attaqué. A quelque 200 mètres après avoir franchi le pont de la rivière Sarah, une bombe explose devant la Nissan Patrol de Gilchrist Olympio. Les véhicules précédant la Patrol n’ont pas été inquiétés. « Aussitôt après l’explosion, les trois derniers véhicules du convoi : le 4x4 Nissan à bord duquel se trouvent Gilchrist Olympio et le Docteur Atidépé, le 4x4 Mitsubishi et la Peugeot-404 sont pris sous un tir nourri que les témoins identifient comme celui d’armes automatiques. »
Patrick Lawson, un rescapé, raconte : « Embusqués derrière un bois, nos assaillants ont tranquillement laissé passer les véhicules en tête du cortège avant d’ouvrir le feu. En immobilisant la voiture qui précédait la Nissan Patrol de Gil, ils étaient assurés d’avoir une cible statique. Devant le barrage de tirs, notre véhicule est tombé dans un ravin. Même avec les pneus-avant crevés, notre chauffeur a continué de rouler jusqu’au village de Soudou (préfecture d’Assoli), où nous devions tenir un meeting régulièrement autorisé. »
Gilchrist Olympio est atteint au poumon et à la hanche
de plusieurs balles explosives. Patrick Lawson et le chauffeur de la Nissan
Patrol, quoique tous les deux blessés réalisent qu’il faut immédiatement
quitter les lieux. Un habitant de la région leur affirme qu’il est possible de
se rendre rapidement au Bénin. Il leur indique le chemin. La piste est
impraticable, mais ils n’ont guère le choix. Selon le rapport de la FIDH sur
cet événement : « Aussitôt après l’attentat les différents véhicules
sont rassemblés sur la place de Gandé, quelques kilomètres plus loin. Le
véhicule Nissan dans lequel avaient pris place Gilchrist Olympio et le Docteur
Atidépé est abandonné là après que ceux-ci, le premier gravement blessé, le
second déjà mort, avaient été transportés dans un autre véhicule au
Bénin. »
Gilchrist Olympio sera opéré une première fois à
Natitingou (Bénin). C’est un Grumman spécial de la présidence ivoirienne qui le
transportera ensuite à Paris pour des soins à l’hôpital du Val-de-Grâce.
La suite sera une affaire de dures et multiples opérations chirurgicales pour G. Olympio. Quant à Marc Atidépé, le 10 juillet, jour de ses obsèques, un attentat à la grenade causera des dégâts matériels et provoquera un incendie à la Chambre des députés où devait être exposée sa dépouille mortelle. Les enquêteurs de la Commission internationale diligentée par la FIDH (8 au 13 juin 1992), au terme d’un rapport concluent :
« Que l’attentat du 5 mai 1992 survenu vers 12 heures sur la route de Bafilo à Soudou qui fit plusieurs morts parmi lesquels le Docteur Atidépé et plusieurs blessés parmi lesquels Gilchrist Olympio a vraisemblablement été préparé et exécuté par des militaires [...] Que la liberté de mouvement et l’autonomie d’action laissée au capitaine Ernest Gnassingbé permettent à celui-ci de se livrer à un activisme incompatible avec son statut militaire. »
Après avoir donné son accord à la venue au Togo de la
Commission internationale d’enquête, le président Eyadéma va tenter d’aiguiller
l’enquête en proposant un collaborateur pour les recherches. La Commission de
la FIDH déclinera l’offre.
Une vive polémique entre le RPT et l’Opposition,
suivra au sujet des commanditaires de l’attentat et de la provenance des armes
utilisées. Le Secrétaire général du RPT, M. Amédégnato, ouvrira le débat
sur RFI :
M. Amédégnato : « Ni l’armée togolaise ni le Général d’Armée Eyadéma, ne sont pour rien dans l’attentat contre Gilchrist Olympio. »
M. Amédégnato : « Ni l’armée togolaise ni le Général d’Armée Eyadéma, ne sont pour rien dans l’attentat contre Gilchrist Olympio. »
J.-L. Aplogan : - On a dit que ce serait du matériel de guerre qu’on a utilisé...
M. Amédégnato : - Les opposants aussi ont du matériel de guerre. Il n’y a qu’à le vérifier chez M. Edem Kodjo ; il a beaucoup de matériel de guerre. Même Olympio avait du matériel de guerre. Il n’y a pas que l’armée qui a du matériel de guerre ! »
L’opposition proteste. Dans l’après-midi, six partis
politiques expriment leur indignation en publiant un document. Aux accusations
de l’ancien parti unique, répondra le leader de la CDPA, L. Gnininvi. Il pense
que le « RPT est mal placé pour incriminer l’opposition dans cette
affaire ». Et d’ajouter : « Nous savons depuis un certain nombre
de jours, que les leaders de l’opposition sont en danger ; les rumeurs
circulent, les listes actualisées sortent tous les jours. »
Cet attentat restera pendant longtemps au sein de
l’opinion publique, une source d’interrogations diverses au sujet de la
coopération militaire de la France avec ses néo-colonies africaines. Un lecteur
de JA s’indigne, sous la rubrique Vous & Nous. Dans une intervention
titrée : Togo : le service après-vente, le lecteur invite le Ministre
français de la Défense, à un réaménagement de la coopération militaire avec les
pays africains. Et le lecteur de conclure : « Au lieu de prodiguer
des soins dans des hôpitaux parisiens à des hommes massacrés par des militaires
entraînés à travers la coopération, ne serait-il pas judicieux de la part de la
France, d’aider les autorités de la Transition à désarmer la soldatesque
d’Eyadéma ? »
Le Premier ministre va s’illustrer, en prenant partie
pour la première fois ouvertement en faveur de Gnassingbé Eyadéma dans la
polémique au sujet des armes de guerre. Son Gouvernement d’Union Nationale de
Transition (GUNT) va proposer après l’attentat de Soudou, une trêve de quelques
mois, destinée à ramener la sécurité. Ce que rejetteront les partis politiques
de l’opposition, à l’instar du Comité d’Action pour le Renouveau (CAR). Ce
dernier avait d’ailleurs dénoncé violemment l’accord entre Eyadéma et Koffigoh,
accord instituant le « Nouveau Contrat social ». En revanche, les
syndicats répondront peu ou prou favorablement à l’appel du Premier ministre, à
la reprise du travail. Mais le travail sera de nouveau interrompu, car un
nouvel attentat viendra secouer le monde politique togolais et l’opinion
publique internationale en ce mois de juillet 1992 ; deux mois à peine
après l’attentat de Soudou.
Après les conclusions de la FIDH, l’armée a décliné
toute responsabilité dans le crime de Soudou. Dans une mise au point datée du
18 juillet 1992, elle déclare dans le quotidien officiel : « Les FAT
n’ont pris aucune part à l’attentat de Soudou [...] les FAT rejettent
catégoriquement toutes les conclusions de la commission d’enquête
internationale en ce qu’elles sont partisanes, fantaisistes et dénuées
d’objectivité. »
Moins d’une semaine après la publication de ce
communiqué de protestations énergiques des FAT, un jeune leader du camp
démocrate est victime d’un attentat. Il s’appelait Tavio Amorin. Il est atteint
de plusieurs balles d’armes automatiques un soir de juillet dans un
quartier-nord de Lomé.
Têtêvi Godwin Tété-Adjalogo, 1998,
"Démocratisation à la togolaise"
Les rapports de la FIDH sur le Togo.
I -Rapport N° 155 de la Fédération Internationale des ligues des droits de l’hommeMission d’enquête internationale 8 au 13 juin 1992 : à propos des événements
De Soudou survenus le 5 mai 1992
Rapporteurs-enquêteurs :



Extraits
B -RAPPORT D’ENQUETE ( pages 8 et 9 )
1 -LE CLIMAT D’INSECURITE
Le Togo vit depuis plusieurs années dans un climat de violence politique chronique. Le 13 janvier 1963, le premier président de la République, SYLVANUS OL YMPIO était assassiné. Le régime qui lui a succédé a, à sa tête, un militaire, ETIENNE GNASSINGBE EYADEMA. Plusieurs organisations internationales ont dénoncé les atteintes aux droits de l’homme et les crimes politiques portés à leur connaissance.
Le processus de transition démocratique connaît une série d’actes violents, meurtriers, d’incidents graves parmi lesquels ceux survenus le 14 avril 1991. Ce jour-là vingt-huit corps étaient découverts dans la lagune de Bé à Lomé.
Le 30 mai 1991, M. PATRICK BAUDOUIN, secrétaire général de la FIDH, venu sur place suite à ces faits, dressait un état de la situation des droits de l’homme au Togo.
La multiplication des règlements de compte, des attentats et des incidents sanglants qui ont fait plusieurs centaines de morts depuis l’ouverture du pays à la démocratie compromet l’action du gouvernement de transition démocratique actuellement en place.
Ce gouvernement dirigé par Monsieur KOFFIGOH, Premier ministre, a été victime de plusieurs coups de force. Celui qui s’est déroulé du 27 novembre au 3 décembre 1991 et au cours duquel des éléments des forces armées togolaises ont pris d’assaut la Primature et exécuté sommairement plusieurs de ses défenseurs. La tentative de putsch a considérablement affaibli le gouvernement. Sa vulnérabilité et celle du Premier ministre est patente.
C’est dans ce contexte d’insécurité généralisée qu’est survenu le 5 mai 1992 dans le nord du pays un attentat désigné pudiquement par l’opinion publique togolaise sous le nom "d’événements de Soudou". Plusieurs personnes ont trouvé la mort ou ont été blessées dans cette embuscade. Elles circulaient dans les véhicules d’un convoi qui se rendait d’une localité à l’autre dans le cadre d’une campagne de propagande politique que la classe politique désigne sous le nom de "campagne de sensibilisation". Le leader de ce convoi était GILCHRIST OLYMPIO, candidat à l’élection présidentielle qui devait se tenir en aôut 1992.
L’attentat a suscité une très vive émotion au point que le président de la République, le Premier ministre et le président du Haut Conseil de la République convenaient dans un communiqué conjoint (Annexe 1) de faire la lumière sur ces faits.
Le 21 mai 1992, le Premier ministre de la République togolaise adressait au président de la FEDERATION INTERNATIONALE DES DROITS DE L’HOMME une requête visant à obtenir l’envoi sur place d’une commission d’enquête internationale (Annexe 2).
Le président de la FIDH recevait au même moment une requête identique émanant de la Ligue togolaise des droits de l’homme affiliée.
La FIDH donnait le 1er juin 1992 mandat à Messieurs RIBAUL T, NEVE DE MEVERGNIES et CRAWSHAW pour enquêter sur :


C. CONCLUSIONS ( pages 21 et 22 )
Le présent rapport ne constitue pas une enquête judiciaire qui est de la seule compétence de la justice togolaise.
Ses rédacteurs sont conscients de ses limites. Elles sont notamment la conséquence d’un court temps d’enquête, du refus de l’Etat Major de l’armée togolaise de coopérer notamment à l’offre d’audition des militaires en cause et au refus de pénétrer dans les enceintes militaires qui leur ont été signifié oralement par le général BONFOH lors de la deuxième entrevue avec le président
EYADEMA.
Les investigations ont été conduites conformément à l’ensemble des textes internationaux rappelés en préliminaire du présent rapport. Les trois enquêteurs se sont soumis à la déontologie professionnelle qui est la leur dans leurs pays respectifs.
Ni la Ligue togolaise des droits de l’homme, ni le Premier ministre et le président de la République n’ont participé, même par personne interposée, aux recherches et aux auditions. Chacune de ces institutions a participé pour sa part à la manifestation de la vérité. Le présent rapport a été rédigé en toute indépendance à l’égard des partis en cause.
Au terme du rapport les trois enquêteurs concluent :












II- Rapport N°269 de la Fédération Internationale des ligues des droits de l’homme ( Janvier 1999)
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LE TOGO DOIT ETRE SAUVER.
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